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La lutte antipollution

 

Le Plan POLMAR MER

 

Réponse aux questions de M. Le Berre, chargé de la communication à la préfecture maritime de Brest

(M. Le Berre ne s’y exprime qu’à titre personnel)

 

Combien y a t- il de Préfets maritimes en France et quels sont leurs rôles ?

s               Il y a 3 Préfets maritimes en France : un responsable de la façade Manche-Mer du Nord, un responsable de la façade  en Méditerranéenne, un responsable de la façade Atlantique, et chacun de ces 3 préfets est le représentant permanent et direct du Premier ministre et de chacun des membres du gouvernement pour ces 3 missions.

 

s               Le Préfet maritime a trois missions importantes qui lui ont été confiées en tant que préfet de la mer par le Premier ministre et le représentant de chacun des ministres :

o              l’ordre public en mer

o              la lutte anti-pollution

o              le sauvetage en mer des biens et des personnes

 

s               Pour ces 3 missions il est le coordonnateur des différentes administrations d’Etat qui interviennent dans le cadre de l’action de l’Etat en mer : la Marine nationale, les Douanes françaises, la Gendarmerie maritime et les Affaires maritimes. Ces 3 administrations travaillent pour le Préfet maritime et mettent à sa disposition leurs moyens.

s               Bien évidemment le Préfet maritime ne coordonne pas tout lui-même directement : il a donné une délégation permanente à deux organismes que l’on appelle les CROSS et qui sont des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage qui dépendent du ministère de l’équipement et des transports et qui, sur le terrain, coordonnent au nom du Préfet maritime les missions qui  sont données dans le cadre de ces 3 domaines d’activité du préfet.

 

s               Mais le pouvoir du Préfet maritime trouve certaines limites :

o              Par exemple, le seul maître à bord d’un bateau reste le commandant. On ne peut se mettre à sa place et on ne peut intervenir de force.  Il faut attendre qu’il envoie un message d’appel à l’aide.

o              De même, les compétences juridiques du Préfet maritime s’arrêtent à l’entrée d’un port : c’est le directeur du port qui est seul juge de faire entrer un navire à potentialité de dangerosité ou non. Il y a depuis le Prestige une volonté politique affichée d’arriver à un nouveau système de « ports refuge » et cela est intéressant. Dans le droit maritime on avance à chaque catastrophe comme partout d’ailleurs.

 

s               Le contrôle des bateaux en mer incombe donc au Préfet maritime ?

Absolument. Pour ce qui concerne l’ordre public en mer, il a un pouvoir de police administrative générale. Donc à ce titre il intervient sur tout ce qui peut nuire à la bonne navigation et au bon ordre de la navigation en mer. Le contrôle des navires en mer lui incombe, par contre le contrôle technique des navires à quai ne dépend pas du préfet maritime mais du ministère de l’équipement et des transports.

 

s               Les dégazages illicites en mer sont aussi de son ressort ?

 

En ce qui concerne les dégazages, on se trouve  dans le cadre du travail antipollution du Préfet maritime. Il y a deux administrations qui travaillent là-dessus et qui sont à la pointe de la surveillance aérienne : ce sont  la Marine nationale et les Douanes françaises qui font des patrouilles régulières.

 

s               Que se passe-t-il concrètement lorsqu’un bateau est en difficulté et envoie un mayday ?

 

Automatiquement le CROSS intervient et coordonne sur place les différents moyens de sauvetage et de secours en mer et envoie les moyens appropriés. En fonction de la difficulté que rencontre le bateau, il va contacter les différentes administrations qui sont dans le secteur et il peut également requérir d’autres bâtiments privés qui vont être « réquisitionnés » pour porter secours.

Mais ça c’est la règle de base de la sécurité en mer : chaque bateau doit porter secours à un navire en difficulté sauf si cela met en danger son équipage.

 

s               Qui prend les décisions stratégiques ? 

 

Toute décision stratégique est prise par le Préfet maritime. Par exemple pour le Prestige, lorsque la pollution s’est approchée des côtes françaises, on est entré dans la zone de compétence du Préfet maritime et c’est le préfet maritime qui a décidé d’activer le Plan POLMAR MER et c’est ensuite lui qui définit la stratégie à adopter pour la lutte antipollution. Ici il y a eu une cellule de crise qui a été mise en place, dirigée par le Préfet maritime et par les membres d’une division administrative qui existe ici : la division  « action  de l’Etat en mer ».

 

s               En quoi consiste le PLAN POLMAR MER ? Quelles sont les solutions que l’on peut envisager avant que la pollution n’atteigne  les côtes ?

 

Je me fonderai sur l’exemple du Prestige.

 

s               Dans un premier temps, la pollution n’était pas dans notre zone de compétence. Cela dit, nous avions des accords avec les Espagnols et nous avions déjà commencé à coopérer avec eux dans le cadre d’un plan qui s’appelle le BISCATE PLAN. Ce plan prévoit l’échange de moyens en fonction d’une menace de pollution qui toucherait l’un ou l’autre pays. L’Espagne étant menacée, la France a tout de suite envoyé des moyens à sa disposition : envoie de moyens aériens des douanes et de moyens de la Marine nationale avec deux remorqueurs équipés en système anti-pollution ainsi que d’officiers de liaison pour aller à La Corogne aider les Espagnols à assurer la bonne transmission de l’information entre l’Espagne et la France.

 

s               Une fois que la pollution est arrivée dans notre zone de compétence, le BISCATE plan a basculé au niveau de sa coordination : de coordination espagnole, il est passé à une coordination française. On a eu automatiquement un flux inverse : les Espagnols ont mis à notre disposition les moyens qu’ils avaient pour lutter contre la pollution et ont envoyé des officiers de liaison ici pour faire la transmission. C’est un travail conjoint entre les deux pays qui a été fait. Quand le Préfet maritime a estimé que la menace devenait perceptible pour les côtes françaises, il a activé le PLAN POLMAR MER.

 

s               Ce PLAN POLMAR est un plan administratif qui permet de disposer d’importants moyens humains, matériels et financiers surtout. Le plan POMAR MER c’est le premier rideau de protection, le dernier rideau ultime étant le plan POLMAR TERRE qui lui, n’est pas de la compétence du Préfet maritime mais de celle du préfet de la zone terrestre concernée (en l’occurrence, cela a été Bordeaux ).

 

s               ·  Les moyens mis en place dépendent de la pollution et c’est là qu’intervient le rôle de stratège du Préfet maritime.

s               Dans un premier temps, nous avons utilisé des moyens européens, dans le cadre de la coopération européenne : des moyens de pompage hollandais et norvégiens. Ces grands navires européens sont spécialisés dans le traitement de nappes importantes et compactes : c’est du pompage lourd.

s               Mais la pollution du Prestige a quand même mis plusieurs mois avant d’arriver sur les côtes françaises :  le pétrole a eu le temps d’être brassé par le Golfe de Gascogne qui est un univers météorologique très versatile, il a vieilli, il a gonflé, il a changé d’aspect et on s’est retrouvé en face de galettes , de micro boulettes. Les gros bateaux de pompage qui sont très efficaces sur des nappes fraîches ont montré leurs limites. Le pétrole se fragmentant et devenant de plus en plus difficile à pomper, on s’est adapté et on a changé de stratégie. On a employé des techniques plus adaptées : des filets de pêche classiques équipés pour pêcher du pétrole. Ce sont des filets qui avaient déjà été expérimentés et validés par la Marine nationale : il y a les fameux filets récupérateurs SENIP, les filets de tomsit mis au point par un marin-pêcheur de Saint Gilles Croix de Vie. On ne pompait plus mais on ramassait. C’est un système très artisanal mais redoutablement efficace : cela a permis de traiter ces galettes avant qu’elle n’arrivent sur les côtes.

s               Globalement, la lutte en mer a été pour le PRESTIGE un succès. Mais il est vrai que nous avons été aidés par la migration lente du pétrole qui nous a donné le temps de nous préparer, de monter en puissance progressivement et d’adapter au mieux notre dispositif.

 

s               Les moyens dont disposent la France vous semblent-ils suffisants ?

 

s               Oui. La France a tiré beaucoup d’enseignements des différentes marées noires qui ont touché son littoral : le savoir-faire s’est affiné, le matériel a été renouvelé. 

s               De plus la France fait un effort de renouvellement et de modernisation de ses bâtiments. Nous avons un gros remorqueur l’Abeille Flandre et il est prévu de renouveler ces remorqueurs : cela fait partie d’un appel d’offre européen restreint lancé par la Marine nationale. Nous aurons donc des remorqueurs beaucoup plus modernes, mieux équipés et qui pourront tracter des bateaux bien plus lourds ( 180 tonnes au lieu des 160 tonnes actuelles) en 2005. C’est un investissement lourd pour la Marine nationale et pour la sécurité maritime.

s               Nous sommes loin d’être désarmés en cas de danger : il faut savoir que l’Abeille Flandre a permis d’éviter un bon nombre d’Erika ou un bon nombre de Prestige depuis qu’elle est en activité dans le rail d’Ouessant. On parle malheureusement trop souvent des catastrophes mais on ne parle pas des catastrophes évitées grâce au travail des remorqueurs de haute mer.

 

s               Vous me parlez des remorqueurs mais qu’en est-il des bateaux de pompage ? Sommes nous aussi bien équipés que les pays nordiques ?

 

s               En ce qui concerne les bateaux de pompage, nous avons des bâtiments qui ne sont pas spécialisés dans le pompage comme peuvent l’être les bateaux hollandais ou norvégiens – je ne parle que de la façade atlantique - : ce sont des navires qui sont équipés de tête de pompage, notamment les deux BSHM (bâtiments de soutien de haute mer de la Marine nationale) qui sont basés à Brest  et qui peuvent faire à la fois du remorquage mais aussi du pompage et de l’antipollution et qui ont travaillé à  La Corogne dans le cadre du BISCATE plan. Nos navires sont donc davantage polyvalents alors que les bateaux nordiques sont spécialisés.

s               Sur ce sujet  il y deux écoles. Il y a  ceux qui pensent  qu’il vaut mieux avoir un navire polyvalent qui puisse faire à la fois du pompage et du remorquage puisque le but ce n’est pas d’éteindre le feu dans la maison mais d’éviter que le feu ne prenne. Les autres préfèrent avoir un gros bateau pompeur qui éteindrait rapidement un feu. Cette différence s’explique aussi par l’important transit de navires potentiellement dangereux que les Hollandais ou les Nordiques ont dans leur port.

s               Mais cette différence s’estompe puisque ces navires sont mis à la disposition d’un Etat qui en fait la demande voire, même, totalement spontanément : on peut donc profiter de leur aide,  moyennant paiement bien sûr puisqu’il faut payer le carburant et l’équipage de ces bateaux.

 

s               La coopération que vous m’avez décrite entre les différents Etats est-elle d’essence européenne ou inter-étatique ?

 

s               C’est une coopération avant tout inter-étatique. La collaboration et la coopération entre les différents Etats reposent sur des accords internationaux soit bipartites soit multipartites :   c’est le MANCHE PLAN avec les Britanniques, le BISCATE PLAN avec les Espagnols par exemple.

s               Ainsi, dire que l’on est dans le désert et qu’il n’y a pas de coopération et de collaboration européenne ? C’est totalement faux. Il y a une collaboration européenne, il y a des accords qui sont signés entre la France et les autres Etats côtiers. Dernièrement, il y a eu les accords de Malaga entre la France et l’Espagne pour exclure de la zone économique exclusive des bateaux qui répondaient à trois critères : critère de dangerosité (transport de fioul lourd), critère de vétusté (plus de 15 ans d’âge), critère technique (bateau à simple coque). Il y a une coopération européenne et un travail commun. Maintenant dire qu’il faut plus d’Europe : certainement.  De toute façon, un Etat tout seul ne peut pas réglementer le transport maritime : c’est illusoire. Il faut une coopération européenne et même internationale puisque le monde du transport maritime est un monde très libéral avec peu de contraintes.

 

s               Et en ce qui concerne le plan POMAR TERRE, de qui dépend sa coordination ?

 

s               Chaque plan POLMAR TERRE est déclenché par les préfets des départements concernés.

s               Mais depuis 2000, un nouveau maillage de la France a été effectué : on une nouvelle organisation de la France avec les fameuses zones de défense. Maintenant on a des préfectures zonales : la préfecture zonale est généralement la préfecture la plus importante de la région. Ainsi lorsque  deux ou trois POLMAR TERRE sont activés dans une frange côtière, c’est le préfet de la préfecture zonale qui devient le coordinateur du plan POLMAR TERRE.

s               Du fait de la nouvelle organisation des zones de défense, dans le cas du Prestige, ce fut donc le Préfet du département de la Gironde qui est aussi le préfet de la zone de défense Sud-Ouest. 

 

 

 

© Projet Collectif sur la Pollution Pétrolière - Sciences Po 2003 - http://pollutionpetroliere.free.fr