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M. Arzel
Interview avec M. le sénateur Arzel, maire pendant 7 mandats successifs de la commune de Ploudalmézeau. (Propos recueillis le 18 avril 2003 à Ploudalmézeau, France)
1) Comment êtes-vous confronté au problème de la pollution pétrolière dans votre activité professionnelle et comment y répondez-vous ? Comme je vous l’ai expliqué, j’ai été confronté à ce problème en tant que maire d’une commune sinistrée, en l’occurrence, Ploudalmézeau. Nous avons créé, lors de l’accident de l’Amoco Cadiz une structure de regroupement et de financement des communes sinistrées « le syndicat mixte de protection et de conservation du littoral Nord Ouest de la Bretagne » . Après la fin du procès nous avons décidé de continuer notre action et nous avons transformé ce syndicat en VIGIPOL qui est une structure de vigilance.
2) Les catastrophes environnementales vous paraissent-elles avoir des causes essentiellement juridiques, c’est-à-dire une réglementation déficiente, ou résulter de comportements de délinquance économique en marge du droit ? s Nous avons une législation qui est bonne mais qui n’est pas appliquée. Mais il nous faut réussir aussi à supprimer tous les pavillons de complaisance et à faire payer à tous les acteurs les mêmes frais et les mêmes taxes. s Il faut régler tout particulièrement certains problèmes : s Le personnel à bord n’est souvent pas compétent. A bord de l’Amoco il y avait des marins de nationalités différentes qui ne se comprenaient pas et qui n’étaient pas des marins certifiés et confirmés : le personnel n’était pas à la hauteur. s Les contrôles avant de prendre la mer : on devrait interdire à un bateau qui n’est pas en état de prendre la mer. Actuellement on fait naviguer les bateaux les plus pourris avec les matières les plus dangereuses. Certes il y a eu une avancée en matière législative tout particulièrement au niveau européen avec les paquets Erika 1 et Erika 2 qui imposent une obligation de contrôle : il faut que tous les pays contrôlent 25% de leurs navires. Mais les Français ne sont pas les bons élèves : on n’est toujours pas arrivé à 25%. On manque d’inspecteurs paraît-il ? Mais on pourrait en former et leur donner un salaire digne de ce nom. Les gens ne sont pas attirés par cette fonction puisqu’elle n’est pas rémunératrice.
3) Après l’élargissement, l’Union Européenne aura la 1ère marine marchande mondiale, en s’étendant à Malte et à Chypre (deux pays réputés abriter des opérateurs parfois peu recommandables). Pensez-vous qu’une politique européenne ambitieuse est possible et améliorera la situation ? s Prenons le marché commun : les Allemands trouvent que tout est très bien en l’état, les Grecs sont des bandits et peut-être que Malte intégrera aussi. Nous n’avons pas les mêmes intérêts. Il est vrai que cela sera difficile. Il faudrait que l’on arrive à mettre en place, comme l’on fait les Américains, des gardes côtes européens, des gens spécialisés. N’y voyez pas une atteinte contre la Marine qui fait bien son travail mais il faut bien admettre qu’elle a autre chose à faire que d’aller faire la police pour ceux qui sont en mer. Et malheureusement si l’on doit l’attendre des Etats, on n’y arrivera pas. s Je pensais que les choses allaient bouger quand il y a eu le Prestige et que les Espagnols se sont fortement mobilisés. Malheureusement dans deux, trois mois, on n’en parlera plus puisqu’il n’y a plus de pétrole qui arrive. L’émotion qu’il y a pu avoir, la colère, tout ça va tomber, les caméras vont se détourner. Les gens sont pris par d’autres préoccupations quand il n’y a plus rien et que tout paraît à peu près correct . s C’est pour cela que nous n’avons pas voulu nous dissoudre après la fin du procès. Il fallait garder cette structure et cette cohérence pour pouvoir passer des conventions avec d’autres régions qui le voudraient. Nous rêvons actuellement de pouvoir réunir des élus de pays qui ont eu à connaître des marées noires et de s’organiser pour aller voir la commission à Bruxelles pour discuter avec elle et si jamais nous sentons que rien ne bouge, d’arriver à des actions comme celle de barrer la Manche. s Si nous sentons qu’il n’y a pas de volonté , nous voulons faire naître la volonté de mettre de l’ordre : c’est l’ambition que nous avons.
4) En France, pensez-vous que l’action des pouvoirs publics devrait être renforcée dans un domaine particulier ? Pouvons nous réduire les risques par des contrôles renforcés ou d’autres mesures ? s Voyez le Président de la République qui traite certains Etats de voyous. Je considère que les gens qui pourraient faire des choses et qui ne le font pas sont aussi voyous que les autres. s Bien sûr c’est le problème de l’argent : il y a une concurrence effrénée pour le transport des hydrocarbures. Et comme les gens ne veulent pas faire faillite, ils prennent des risques et ne respectent pas la législation. s Les dégazages en mer, c’est scandaleux : on dit que l’on a doublé, triplé les amendes. Mais pour condamner quelqu’un il faut qu’il soit pris sur le fait et que l’on sache que c’est bien de ce bateau-là que provient le pétrole arrivé sur les plages. Nous avons fait un procès à un bateau qui a dégazé il y a plus d’un an maintenant : il a été pris sur le fait et donc condamné et nous avons obtenu des dommages et intérêts au nom des communes que nous représentions : 5 000 euros pour les communes et l’Etat a obtenu 90 000 euros. s Nous ne gênons pas l’Etat mais nous l’obligeons à bouger car il sait que s’il n’entreprend rien, les communes le feront. Nous n’avons cependant toujours pas reçu cet argent car la partie condamnée a fait appel de la décision.
5) Êtes-vous généralement optimiste ou pessimiste quant à l’évolution du problème et pourquoi? Je suis relativement optimiste : je pense que cela va évoluer. Il y a une prise de conscience et l’environnement est quelque chose qui est aujourd’hui pris en considération. Il y a 25 ans quand nous avons été confrontés à l’accident de l’Amoco Cadiz, on commençait à peine à parler d’environnement. Cependant il reste beaucoup à faire et nous voulons faire bouger les choses.
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© Projet Collectif sur la Pollution Pétrolière - Sciences Po 2003 - http://pollutionpetroliere.free.fr |