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Mme Thomas-CioraGeneviève Thomas-Ciora – Chargée des affaires juridiques, Armateurs de France
1) Comment êtes-vous confronté au problème de la pollution pétrolière dans votre activité professionnelle et comment y répondez-vous? Armateurs de France est une organisation professionnelle qui regroupe toute la flotte de commerce française et qui défend ses intérêts au niveau national, communautaire et international. Armateurs de France participe activement à l’élaboration des mesures en matière de sécurité maritime, que ce soit à l’Organisation maritime internationale ou à la Commission européenne.
2) Les catastrophes environnementales vous paraissent-elles avoir des causes essentiellement juridiques, c’est-à-dire une réglementation déficiente, ou résulter de comportements de délinquance économique en marge du droit? Il y aura toujours des catastrophes environnementales. Ce qu’il faut noter c’est qu’elles ont baissé énormément. En fait, l’impact des naufrages pétroliers cache une réelle amélioration de la sécurité maritime sur la durée. Le trafic maritime international a augmenté de 35% en volume en 10 ans, parallèlement au développement du commerce international. Le trafic de marchandises polluantes ou dangereuses (pétrole, produits chimiques) s’est accru de 40% sur la même période. À titre d’exemple, un navire transportant des marchandises dangereuses ou polluantes passe toutes les 30 minutes au large d’Ouessant, soit 17.000 navires par an. Les avaries ou accidents affectant des navires pétroliers ont été divisés par 10 entre 1980 et 2000, toutes causes confondues (incendie, collision, échouage, etc.). La situation est donc loin d’être aussi catastrophique que l’on croit. De plus, avec une moyenne d’âge de 8,1 ans au 1er janvier 2003, la flotte française est parmi les plus jeunes des flottes européennes dont la moyenne est de 17,1 ans. 30% des navires français ont moins de 5 ans, contre 14,5% pour la flotte mondiale. À notre avis, il faut surtout veiller à ce que chaque maillon de la chaîne soit responsabilisé. Les mesures européennes et internationales adoptées après la catastrophe de l’Erika ont essentiellement concerné les armateurs, les sociétés de classification et les États du port. Un renforcement des autres maillons de la chaîne (État du pavillon, affréteur, assureur) reste à faire. C’est notamment le cas des États du pavillon dont le rôle essentiel pour la sécurité maritime a été trop souvent perdu de vue. L’audit des États du pavillon qui s’engage au sein de l’OMI est une première étape, mais il faudra aller au-delà et durcir les obligations et les sanctions applicables aux États défaillants.
3) Pensez-vous qu’une politique plus sévère de l’Organisation maritime internationale est possible, ou buterait-elle sur des conflits d’intérêts, des obstacles pratiques particuliers? La question est plutôt d’appliquer correctement et efficacement les lois déjà existantes. Rien ne sert d’élaborer de nouvelles mesures, il faut se servir de celles qui sont déjà en place. De plus, il faut accélérer la mise en œuvre des mesures envisagées depuis longtemps : zones de refuge, recrutement d’anciens navigants. Au cours de la conférence diplomatique, qui s’est tenue à Londres du 9 au 13 décembre 2002, l’OMI a adopté un dispositif global de sûreté maritime. Nous avons participé à l’élaboration de ces mesures et nous saluons les décisions prises par l’OMI en faveur de la sûreté maritime. Le souci majeur reste leur mise en œuvre coordonnée, entre le navire, les autorités portuaires et les États. De plus, nous nous sommes déclarés favorables à la création d’un 3e fonds d’indemnisation. En fait, le couple constitué par le régime de réparation du propriétaire de navire complété par l’intervention du FIPOL garantit une indemnisation plus certaine et plus équitable des victimes que tout autre mécanisme. La recherche de l’opérateur fautif se traduira en réalité par des délais très longs, des risques de contentieux et d’insolvabilité. Au contraire, le mécanisme de mutualisation prévu par le FIPOL garantit une indemnisation plus rapide.
4) Après l’élargissement, l’Union Européenne aura la 1ère marine marchande mondiale, en s’étendant à Malte et à Chypre (deux pays réputés abriter des opérateurs parfois peu recommandables). Pensez-vous qu’une politique européenne ambitieuse est possible et améliorera la situation? À la suite de la catastrophe du Prestige, l’Union européenne a adopté, le 3 décembre 2002, une communication qui prévoit plusieurs mesures destinées à renforcer la sécurité maritime. Nous soutenons les mesures prises et nous partageons les objectifs poursuivis par l’Union Européenne. Toutes ces initiatives sont un signal très fort de l’engagement de l’Union Européenne. Nous nous réjouissons tout particulièrement de la mise en opération de l’Agence européenne dès 2003. Cela permettra une mise en œuvre effective et harmonisée des règles de sécurité.
5) En France, pensez-vous que l’action des pouvoirs publics devrait être renforcée dans un domaine particulier? Pouvons-nous réduire les risques par des contrôles renforcés ou d’autres mesures? Nous sommes favorable au renforcement des contrôles par l’État du port, et souhaite que ceux-ci s’appliquent de façon non discriminatoire aux navires contrôlés dans les ports. Les Armateurs de France se félicitent également de la décision du gouvernement de faire appel à des experts vacataires, anciens navigants de la Marine Marchande pour procéder aux inspections prévues par la Directive sur le contrôle de l’État du port. Nous prêtons d’ores et déjà notre concours à sa mise en œuvre. Nous souhaitons toutefois que ces mesures nationales puissent être intégrées dans le dispositif communautaire proposé par l’Union européenne le 20 décembre 2002. En effet, la « nationalisation » des règles de sécurité maritime ne peut être qu’un palliatif temporaire à une carence constatée des règles internationales et européennes. Le développement de cette tendance conduirait à un émiettement des règles qui serait, non seulement nuisible à l’activité maritime qui est par nature internationale, mais également préjudiciable à la sécurité maritime elle-même, en raison des risques de complexité, d’opacité et de contradictions qu’elle engendrerait immanquablement.
6) Êtes-vous généralement optimiste ou pessimiste quant à l’évolution du problème et pourquoi? Nous croyons qu’il faut être optimiste. Toutes les mesures prises et le travail accompli montre que nous sommes conscients du problème et de la nécessité d’arriver à une solution raisonnable. Il y a des signaux très forts à cet égard.
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© Projet Collectif sur la Pollution Pétrolière - Sciences Po 2003 - http://pollutionpetroliere.free.fr |