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TotalM. Pierre Guyonnet – Directeur Sécurité Industrielle, Total Nathalie Soisson – Sécurité des transports, Total Charles-Édouard Anfray – Directeur de la communication, Sécurité industrielle, Total
1) Comment êtes-vous confronté au problème de la pollution pétrolière dans votre activité professionnelle et comment y répondez-vous? La pollution, les accidents et la manipulation de produits dangereux, c’est le fondement de notre métier. C’est une préoccupation constante, par exemple quand il s’agit de ne pas mettre notre personnel en danger et de veiller à respecter les règles de sécurité. Donc, de tout temps nous nous sommes intéressés au problème de la pollution pétrolière. De plus, cette année nous avons compilé un rapport environnemental et sociétal sur la question, ce qui démontre notre engagement en la matière. C’est donc un domaine inhérent à notre activité.
2) Les catastrophes environnementales vous paraissent-elles avoir des causes essentiellement juridiques, c’est-à-dire une réglementation déficiente, ou résulter de comportements de délinquance économique en marge du droit? Nous croyons que les accidents environnementaux émanent de ces deux causes, mais il y a aussi deux autres pistes. L’une d’elle est l’ignorance pure et simple. Quelquefois, on ne connaît tout simplement pas les effets précis qu’un accident peut avoir et ce que l’on peut faire pour le prévenir. De plus, il faut aussi garder à l’esprit que les accidents sont des choses qui arrivent, qu’on le veuille ou non. En ce qui a trait aux causes essentiellement juridiques, nous croyons que ce n’est pas une question de réglementation déficiente. On peut toujours améliorer la réglementation, mais le problème est que les lois existantes ne sont pas appliquées. Avoir trop de règles provoque souvent l’effet contraire, puisqu’on ne peut pas toutes les appliquer. En ce qui concerne le FIPOL, l’augmentation des fonds est une bonne chose, mais c’est une mesure purement curative. On ne fait rien pour empêcher la maladie. Les armateurs ne voient pas leur responsabilité engagée et cela ne sert à rien de toujours pénaliser les compagnies pétrolières. Les politiciens marchent un peu sur la corde raide et font surtout des effets d’annonce en mettant en place des fonds d’indemnisation et des lois supplémentaires. Il faut plutôt attaquer le côté préventif, donc côté armateurs. En fait, ce sont les armateurs qui connaissent le mieux leur bateau et ils devraient être responsabilisés en conséquence. Certes, l’affréteur doit être conscient, mais il convient également de responsabiliser l’armateur. Mais ce manque de responsabilisation des armateurs ne date pas d’hier. Il faut préciser que le budget du FIPOL change en fonction des accidents, donc il n’y a pas de somme fixe. Avant la mise en place du 3e fonds, Total contribuait environ 14-15 millions d’euros, soit 8% du budget du FIPOL.
3) Pensez-vous qu’une politique plus sévère de l’Organisation maritime internationale est possible, ou buterait-elle sur des conflits d’intérêts, des obstacles pratiques particuliers? Oui une politique plus sévère de l’Organisation maritime internationale est souhaitable, mais nous croyons qu’un rééquilibrage des responsabilités armateurs/affréteurs est davantage souhaitable. Total participe à des groupes de travail au sein de l’OMI et au FIPOL à cet effet. Les négociations butent sur la volonté des politiciens et il faut ajouter que les armateurs sont très bien représentés. Il faut également viser la responsabilisation de l’État du pavillon.
4) Après l’élargissement, l’Union Européenne aura la 1ère marine marchande mondiale, en s’étendant à Malte et à Chypre (deux pays réputés abriter des opérateurs parfois peu recommandables). Pensez-vous qu’une politique européenne ambitieuse est possible et améliorera la situation? Oui, mais seulement si on s’attaque au vrai problème. Ce qu’il faut, c’est éviter les catastrophes environnementales et responsabiliser davantage. Nous croyons qu’il est tout de même préférable de régler ce problème au niveau international, plutôt qu’au niveau communautaire. Sinon, on régionalise le problème et on le déplace. On se retrouve alors avec des grands blocs législatifs, d’un côté les États-Unis, de l’autre le Japon, ou encore l’Europe. Il est nécessaire de trouver une solution globale à un problème global. Le FIPOL est un pas dans la bonne direction puisqu’il témoigne d’une volonté générale. Ainsi, le Japon est le contributeur le plus important au FIPOL avec 20% des fonds, viennent ensuite l’Italie avec 10%, et la Corée et la France avec 8%.
5) En France, pensez-vous que l’action des pouvoirs publics devrait être renforcée dans un domaine particulier? Pouvons-nous réduire les risques par des contrôles renforcés ou d’autres mesures? Nous croyons en fait qu’il faut mieux contrôler les bateaux. Récemment en France, le pourcentage de bateaux inspectés est remonté à 25%, mais qui nous dit que ces inspections sont bien faites. Lors de ces inspections, on ne peut pas vérifier la structure même du bateau. Cela se fait seulement lors des grands arrêts où les agences de classification font la grande inspection et délivrent un permis de naviguer. C’est pour cela que nous affrétons seulement les bateaux qui ont été contrôlés par une agence de vetting. Il y a des bateaux et des armateurs avec lesquels nous ne voulons pas travailler.
6) Êtes-vous généralement optimiste ou pessimiste quant à l’évolution du problème et pourquoi? Nous sommes à la fois optimistes et pessimistes. Nous sommes optimistes, car certains projets et règlements efficaces ont vu le jour. Ce n’est pas parfait, mais on améliore tout de même la sécurité. Mais tout va beaucoup trop lentement. Il n’y a jamais eu d’étude d’ensemble raisonnée qui va du général au particulier. On fonctionne au cas par cas et les solutions trouvées pour une situation ne s’appliquent pas nécessairement à une autre. Au lieu de remédier la cause, on met en place des mesures curatives. Il faut chercher la cause et non pas le coupable, ce qu’il faut faire pour que cela ne se reproduise pas. C’est le droit lui-même qui est oublié. Il s’agit d’un environnement très complexe et nous devons essayer de faire comprendre la situation et les acteurs à l’opinion publique. Il ne faut pas tomber dans le jeu de rejet des responsabilités.
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© Projet Collectif sur la Pollution Pétrolière - Sciences Po 2003 - http://pollutionpetroliere.free.fr |